"A toute chose malheur est bon". C'est une rengaine qui tourne et tourne dans ma tête, comme la poupée de la ballerine dans sa boîte à musique. Je suis né du désespoir d'une femme, je suis un fragment de son âme morcelée par sa tristesse, son chagrin. Rowan. C'est ainsi qu'elle s'appelle. Rowan Eriksen. Elle est belle avec ses longs cheveux blonds comme les blés. Sa voix douce résonne à chaque instant dans ma tête, m'envahit de ses pensées joyeuses ou torturées, et je les accueille naturellement, parce que c'est ce pour quoi je suis ici. Et pourtant je n'ai jamais pu lui avouer qui je suis, d'où je viens et quels sont mes propres désirs quand je sais les siens par coeur. Alors parfois je la suis sous ma forme lupine, le soir quand elle traverse la ville se croyant seule, et je veille sur elle, empêchant les voyous de l'aborder, une voiture de la renverser, les passants la bousculer. Je l'appelle quand je ne peux pas dormir la nuit. Elle compose mon numéro quand elle a besoin de parler. Je reçois en pleine figure les insultes et les phrases blessantes qu'elle destine à un autre, son père, qu'elle dit détester par-dessus tout. Je prends sur moi quand elle me prend dans ses bras pour pleurer son chagrin d'avoir perdu sa mère, et quand elle lui manque, quand la vie est trop lourde. Et je respire l'odeur de son shampooing, le parfum de sa peau. Je bois le bleu de ses yeux et me nourrit de ses sourires.

Elle ne pense pas à moi quand elle dit qu'elle se réserve pour celui qui sera son prince charmant.

Je ne suis pas dans ses pensées quand elle recherche l'homme idéal.

Et pourtant, je suis entré une nouvelle fois dans cette petite boutique de fleurs où travaille mon amie Cambria, un Daemon comme moi que j'ai appris à connaître avec le temps. Je lui ai acheté un beau bouquet qu'elle a confectionné devant moi en quelques minutes tout en discutant. Et je suis repartie gonflé à bloc, heureux comme pas deux, un sourire se dessinant au coin de mes lèvres. C'est avec ce sourire que je suis arrivé au Santa Monica Park, après avoir donné rendez-vous à Rowan après sa journée de travail.

Le temps frais de ce mois de janvier n'altéra en rien mon humeur, et je m'assis sur un banc, contemplant les couples qui se promenaient main dans la main en passant, posant parfois les yeux sur le bouquet posé sur mes genoux. C'était vraiment du très beau travail, qui rendant hommage à la beauté de ma Liée, qui j'espère apprécierait le geste, et ne se lassait pas de ces petites attentions.

Ce fut une rude journée...

Et Dieu merci, elle venait juste de se terminer ! Il était à peine la fin de l'après-midi que je partis avec un gros soupir de soulagement. N'allez pas croire que je n'aime pas mon boulot, je suis faite pour aider les enfants en difficulté ainsi que leurs familles, j'ai des prédispositions naturelles à être celle sur qui repose un équilibre. J'ai l'impression d'exister comme ça et pour le moment, je n'ai pas l'intention d'en changer.

Mais comme tout emploi, on a de bons jours et d'autres moins bons, voire carrément insupportables. Heureusement, c'était surtout à cause du côté administratif aujourd'hui que je serrais les dents. Les papiers pour certaines autorisations anodines relevaient vraiment du suicide des arbres ! C'était des monceaux de liasses disant toujours la même chose mais de différentes façons, de quoi filer un urticaire géant aux amis de la simplicité. Mais bon, rien de plus qu'une journée plongée dedans... Enfin, ça arrivait une fois par semaine et nous étions six à tourner. Et chacun rechignait quand venait son tour, mais c'était obligatoire.

Enfin, je laissais de côté cet aspect déplaisant de mon travail, et même mon travail tout entier du jour, pour rejoindre Hades au Santa Monica Park. Il m'avait laissée un message sur mon répondeur disant qu'il m'y attendait. Au départ, je n'étais pas tellement enthousiaste, cette journée-là de la semaine me collant une migraine impressionnante... Puis en sortant de la structure, j'étais plutôt contente. Rien ne faisait plus de bien que de prendre l'air ! Marchant un peu plus vite qu'à l'accoutumée, habillée d'une chemise blanche sous un pull en laine rouge, un jean bleu ciel délavé avec une paire de baskets blanches, le tout couvert par un manteau épais beige, une écharpe rouge en laine avec le bonnet assorti, l'air frais qui régnait encore en ville rosit mes joues sans que j'en ai conscience.

Je savais déjà où il m'attendait. Nous avions pris habitude de nous retrouver à un endroit précis de ce parc, là où nous nous sommes assis peu après notre rencontre pour discuter. Et depuis, c'était notre point de rendez-vous.

- Salut Hades ! Excuses-moi d'avoir autant tardé, tu m'attends depuis longtemps ?

Je m'arrêtais à un mètre de lui, avisant le superbe bouquet qu'il avait sur les genoux. Hades m'offrait souvent des présents de ce style, il savait ce qui me faisait plaisir. Un grand sourire s'éveilla sur mes lèvres.

Sa voix me fait relever la tête et nos regards se croisent. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine quand je constate pour la millième fois combien Rowan est parfaite. Elle s'est arrêtée à un pas de moi, et reste là, debout, dans son manteau beige, emmitouflée dans son écharpe et son bonnet, à l'abri du froid. Je me lève et m'approche d'elle, le bouquet en main que je lui remets entre les doigts, avant de me pencher sur sa joue pour y déposer un baiser. Un geste mille fois répété depuis que je suis apparu dans sa vie. Mille fois revisité de différentes manières dans ma tête, sans que ma Liée ne soupçonne toute la portée de ce geste. Je caresse d'un pouce une fossette au coin de ses lèvres, dessine le contour de ses lèvres délicatement parfumée, relève son menton vers moi.

-Je viens juste d'arriver, répondis-je en mentant, non pas pour la blesser ou lui cacher les choses ; seulement parce que le temps n'a pas la même signification pour moi que pour elle, et je l'attendrai pour l'éternité s'il le fallait. Je l'attends depuis que je lui suis apparu sur ce pont il y a deux ans. Je l'attends chaque matin en bas de chez elle, pour voir si elle va bien. Je l'attends tous les soirs, faisant presque le pied de grue devant sa porte, comme un chien mouillé sous la pluie d'automne puni par ses maîtres à rester sous le perron.

Je me recule et lui tend le crochet de mon bras pour qu'elle s'y soutienne, et nous voilà partie pour quelques pas dans le parc, profitant de quelques rayons de soleil tardifs, d'un air doux et du rire des promeneurs et des enfants passant à nos côtés. Je sens toute la tension de sa journée difficile, je lis ce qui la tracasse et la gêne, mais je tiens à ce qu'elle m'en parle de vive voix, pour ne pas qu'elle soupçonne ma vraie nature, et qu'elle en soit effrayée. Peut-être aussi parce que je sais au fond de moi, qu'elle a besoin de se confier, et que je suis là pour ça aussi.

-Alors, raconte-moi ta journée infernale. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu me disais avoir besoin d'un remontant. C'était si terrible ?

En temps normal je parle peu, mais pas avec Rowan. C'est comme si elle était capable de me faire déblatérer des torrents de paroles sans que je m'en lasse. J'espère seulement ne pas la lasser non plus, alors parfois je me tais, j'écoute sans rien dire, sans répondre, lui souriant juste, de ce sourire qui n'est fait que pour elle, rien que pour elle.

Mon sourire s'agrandit. Par un fait inexplicable, j'étais toujours heureuse de voir Hades, comme si être avec lui me faisait oublier tout ce qui était noir et froid pour me faire entrer dans la lumière et la chaleur. Avec lui, tous mes soucis s'envolaient ou devenaient moins graves, comme si sa présence me faisait voir ce qui était important et ce qui était futile...

Rien que le fait qu'il soit à mes côtés me faisait un bien fou...

Hades se leva et s'approcha de moi pour me faire une bise sur la joue, comme à son habitude quand on se voit. Ses gestes étaient tendres mais jamais trop hardis, ce que j'appréciais et redoutais à la fois... Sans même savoir pourquoi. Mais cette pensée en cette fraction de seconde s'envola bien vite, comme d'habitude. Je lui rendis son baiser de la même manière en riant de joie quand son bouquet atterrit dans mes mains. J'adorais les fleurs, et il le savait parfaitement.

- Ma journée a été difficile, mais pas tant que ça en fait. Toute cette paperasse à faire une fois par semaine est épuisante mais il faut bien le faire.

Il savait ce que je faisais, et savait aussi parfois la charge psychologique que pouvait impliquer mon boulot, et il comprenait que j'avais parfois besoin de me détendre après une journée aussi longue. Passant mon bras dans le sien dans un geste naturel, nous partîmes d'un bon pas faire un petit tour du parc avant d'aller boire un café ou de manger un morceau.

- J'ai eu des nouvelles de ma demi-sœur. Trinidad veut absolument voir Adrian et je peux la comprendre, mais je sais qu'elle sera grandement déçue et il se peut même que ce soit pire...

L'angoisse et la colère se battaient pour dominer le ton de ma voix. Hades savait déjà que Trinidad Caballero m'avait contactée pour retrouver son père biologique et qu'apparemment, c'était le mien. Ce qui ne m'avait pas étonnée le moins du monde. Mon père était un salaud de la pire espèce et il avait fait tout fait à ma mère niveau crasses. Aujourd'hui, maman était morte. Mais je ne laisserai pas cet enfoiré détruire ma sœur, c'était tout bonnement impossible. Il faudrait qu'il me passe sur le corps !

- J'ai décidé de l'accompagner.

Hades devait sûrement se douter de ce que ça impliquait, lui qui avait une sorte de sixième sens quand ça concernait mes sentiments... D'ailleurs, je me demandais comment il s'y prenait.

Adrian allait être fou de rage en me voyant, mais j'étais mieux armée contre lui. J'étais adulte, j'avais développé mon sens des responsabilités et ma foi devant lui était inébranlable. Je jurais que quoiqu'il puisse arriver, il ne toucherait pas un seul cheveu de Trini. Ma résolution était devenue invincible, tout comme mon instinct de protection envers la petite sœur que je m'étais découverte il y avait seulement quelques jours...

Son rire cristallin résonne à mes oreilles quand je pose les fleurs dans ses mains, mettant du baume sur mon coeur, ou mon âme... et la sienne par extension. Marchant sur le chemin, nos pas crissant sur le gravier, j'écoute sans lassitude ses déboires, ses tracas. Ma seule présence, ma voix, mon sourire, et peut-être ces petites attentions que j'ai toujours pour elle finissent par la toucher, je le sais. Elle se rend compte que sa journée n'est pas si terrible finalement, relativisant ses malheurs. C'est tout ce que je voulais. Elle n'est pas lâche, au contraire. Elle est courageuse, bien plus que ce qu'elle s'imagine, et je veux qu'elle s'en rende compte. J'aimerai qu'elle le sache et le dise. Mais on n'en est pas encore là. Peut-être que j'aime aussi cette fragilité dont elle fait montre parfois, comme si ma présence plus forte à ses côtés lui était son complément sans détour. Ensemble, même en temps que "simples amis", nous sommes un, un seul être, un seul corps, une seule âme.

La conversation dévie sur un sujet qui la mine, sa famille. Mon sourire s'accentue lorsqu'elle évoque Trinidad. J'ai rencontré Trini à la boutique de Cambria, sans savoir à l'époque qu'elle était la demie-soeur de Rowan. L'électrique Vénézuelienne est devenue depuis une amie sincère sur laquelle je peux compter. Connaissant Rowan, je sais que les deux jeunes femmes s'entendront bien. Mais l'ombre du paternel vient obscurcir mes pensées, en même temps que celles de Rowan. Mon coeur s'accélère. Mes poings se serre. J'ai soudain une forte envie de frapper quelque chose ou quelqu'un. Un regard furtif vers Rowan et je sais que toute cette colère n'est pas vraiment la mienne en un sens, mais celle de la jeune femme à mes côtés, accrochée à mon bras.  

Je tourne la tête vers elle quand elle affirme vouloir accompagner Trinidad quand celle-ci ira rencontrer Adrian, leur père.

-Tu veux que je vienne avec vous ? Je pourrais être là sans qu'il le sache, mais toi tu sauras que tu n'es pas seule, et qu'en cas de besoin, je pourrais intervenir. Mais je ne te force pas, c'est toi qui décides.

De toute façon, je serai quand même là, sous forme de loup s'il le faut, pour mieux entendre et percevoir ce qui se passera, grâce aux sens développés de l'animal, caché au coin d'une rue non loin, aux aguets du moindre geste, du moins mouvement, du moindre mot plus haut que l'autre. Mais je tenais à ce que Rowan prenne une décision par rapport à nous, au moins pour cette fois. Je sais qu'un jour prochain, je devrais lui avouer qui je suis vraiment par rapport à elle, Cambria et Trinidad travaillaient en ce sens, mais je n'y parviens pas. C'est comme si je craignais qu'elle me repousse, ou soit effrayée par moi.

Hades... La gentillesse incarnée...

Toujours prévenant et adorable avec moi, toujours en train de me protéger, j'avais l'impression d'être une reine, et que le chevalier en armure qu'il incarnait se poserait contre n'importe quel obstacle pour prendre les coups à ma place.

Mais je n'étais pas comme ça, et il le savait également. En ce qui concernait Adrian du moins. Je ne pouvais pas jouer les autruches quand ça le concernait directement, je me sentais dans l'obligation de l'affronter quand je ne pouvais pas l'ignorer. Je me devais d'être forte devant lui et de ne pas faillir, car je sais qu'il exploiterait la moindre petite faiblesse pour la retourner contre moi. Je sais qu'Hades était assez fort pour assumer ça, mais moi je ne pouvais tout simplement pas le laisser faire.

- Je te remercie vraiment, Hades, mais je préfère y aller seule.

Et je savais qu'il comprenait, mais qu'il acceptait mal le fait que je n'ai pas besoin de lui. Je l'avais déjà vu mais j'occultais un peu la chose... Ne me demandez pas pourquoi.

- Et puis en fait, je ne serai pas seule ! Trini sera avec moi.

Me serrant contre Hades, je souriais de nouveau. Je n'avais pas envie d'assombrir notre petit moment à deux.

- Aller, je t'invite à dîner ! Choisis l'endroit et après, on va voir un film ?

Oui, il était temps de laisser les choses déplaisantes de côté. La soirée s'annonçait tranquille et sympa, autant en profiter.

Je serai là de toute façon, que tu le veuilles ou non. Que tu le saches ou non. L'ombre est mon amie dans ce cas là, et je sais qu'inconsciemment, tu perçois malgré tout ma présence. Tu veux te montrer forte et affronter ce titan qui est ton père, que tu détestes, et qui t'effraie d'une certaine façon. Je ne veux pas t'en empêcher, mais j'aimerais tellement pouvoir t'éviter cette rencontre que tu redoutes. Et comme pour repousser l'échéance et te rassurer en toi-même, tu te serres contre moi, serrant mon bras contre tes côtes, ta tête tout près de mon épaule. Je penche la tête et embrasse affectueusement tes cheveux, avant de plonger mon regard dans le tien. Je ferai tout ce que tu voudras.

-Ça fait longtemps qu'on n'a pas été au "Red Dragoon" dans Chinatown. Ça te tente ?

Il m'arrive de te laisser payer la note et de m'inviter, comme en écho à ce que je fais pour toi en retour. Et notre petit duo pourrait aisément passer pour un parfait petit couple aux yeux des gens. Pourtant de ton côté les choses sont claires. Je ne suis que ton ami. Ton meilleur ami, certes, mais juste un ami, alors que le fragment d'âme que je suis ne tend qu'à vouloir fusionner avec toi, pour redevenir entier, et qu'on ne fasse plus qu'un. Je détourne la tête, semblant réfléchir au film qu'on pourrait aller voir. Ça m'évite aussi de penser à tout ce qui tourne dans ta tête et la mienne en même temps. Soudain  je pars d'un éclat de rire, presque nerveux, et je sais même pas pourquoi.

-Pas un film romantique, par pitié ! La dernière fois, j'ai bien failli m'endormir !

Il n'est pas encore arrivé le temps où on me verra romantique plus que je ne le suis déjà, parce que j'aime assez cet extérieur de "bad boy" qu'on m'a collé à mon arrivée, parce que je ne veux pas que tu vois la faiblesse en moi, parce que ce serait reconnaître la tienne et je veux que ta force soit ce qui ressort pour le moment. Alors je serai ta force jusqu'à ce que tu sois prête.

Comme d'habitude, Hades comprenait sans besoin d'épiloguer cent sept ans. Je n'avais jamais connu de personne dans son genre, capable de mettre ses sentiments de côté juste pour aller dans le sens de son ami. C'était une qualité que j'adorais chez lui, m'évitant de m'étaler et de justifier chacun de mes gestes. Il ne demandait jamais d'explication ou de raison particulière, il se contentait de hocher la tête et d'avancer.

Parfois, je me demandais ce qui me retenait de sortir avec lui... Mais vraiment, comme un couple quoi... Mais après, je me disais qu'il ne devait pas me voir de cet œil là, que j'étais stupide de m'imaginer une bêtise pareille, qu'il devait sûrement déjà avoir des prétendantes à la pelle devant sa porte. Hades n'était pas le genre de type qui laissait les femmes indifférentes. Mais je préfère qu'on garde intacte notre amitié, je ne sais que trop ce que je perdrais si jamais notre relation échouait...

- Okay ! Ça fait trop longtemps en effet !

L'entraînant à ma suite, je nous fis aller vers le boulevard pour y héler un taxi. Bien que cela soit le quartier à côté, j'avais suffisamment fait de kilomètres en aller/retour à mon boulot aujourd'hui. Nous rentrâmes dans la voiture jaune et je donnais le nom et l'adresse du resto asiatique.

- Genre ! Monsieur Macho refait surface ! C'est pas moi qui ai pleuré devant Coup de Foudre à Nottinghill, il me semble...

Levant les yeux au ciel, je finis par rire. Hades avait toujours le chic pour me faire rire et retrouver ma bonne humeur, pour ça que je le voyais souvent. Grâce à lui, je me sentais revivre quand la tristesse menaçait de me noyer. Ça m'arrivait de plus en plus rarement, mais j'avais encore des coups de blues, me souvenant avec nostalgie de l'époque où ma mère était encore en vie. Sa joie, sa chaleur, ses sourires, ses manifestations d'amour maternel, tout ça me manquait avec une acuité étrangement bien vivace encore, malgré le temps qui s'est écoulé depuis.

Enfin, je n'allais pas me laisser aller ce soir ! Mon sourire revint bien vite et avec lui, la sensation d'éloigner tous les nuages noirs.

- J'ai une question pour toi d'ailleurs ! Comment ça se fait que tu passes autant de temps avec moi ? Tu n'as pas de petite amie avec toutes les filles qui doivent défaillir devant toi quand tu danses ?

Comment ça se faisait que je n'ai pas posé cette question plus tôt ? Avec un étonnement dissimulé, je venais de prendre conscience qu'Hades avait lui aussi une vie, et qu'il la mettait souvent entre parenthèse pour moi...

Le Red Dragoon, c'est un des restaurant où tu m'as emmené la première fois, quand je suis arrivé sur ce pont pour t'empêcher de commettre l'irréparable. Ce restaurant, ce quartier, c'est un peu notre "chez nous", là où on se sent bien, où on peut parler de tout et de rien, sans la moindre pression, comme si nous étions seuls sur une île déserte. C'est un peu cette sensation que j'ai chaque fois que tu es près de moi, ta main dans la mienne, son regard dans le mien, nos sourires s'accordant à la perfection.

Tu siffles et lèves une main et un taxi jaune vient stationner devant nous. Je t'ouvre la portière pour que tu t'y glisses et je te suis et referme la portière alors que tu donnes déjà la destination au chauffeur. Un peu penaud, je pense au vide intersidéral qui rempli mon portefeuille. Tu m'as dit que tu m'invitais, non ?

Je ris de concert avec toi quand tu te moques de cette fois où tu m'avais invité dans ton appartement, pour passer une soirée ensemble et on avait fait un concours de celui qui verserait la première larme devant des films romantiques. Au bout du compte, je crois bien avoir perdu ce soir-là. Comme quoi, on ne peut pas renier ce qu'on est. J'observe ton sourire, tes yeux malicieux, alors que tes pensées dérivent vers la maman que tu as perdu juste avant que je n'apparaisse. Je continu à me demander ce que ça fait d'avoir des parents, sans pouvoir réellement mesurer ce que cela représente. Moi je n'ai que toi, et personne d'autre ne compte. J'essaie de me mettre à ta place, et me demande ce que je ressentirai si tu disparaissais et que je devais continuer à vivre... je crois bien que finalement, j'en crèverai !

J'allais pour prendre ta main dans la mienne afin de soutenir, te signifier que j'étais là, mais tu tournes ta jolie tête blonde vers moi et me pose la seule question à laquelle je ne suis pas préparé. J'en perds mon sourire et reste bouche bée, sans savoir quoi répondre, pendant dix interminables secondes.

-Euh... Elles sont pas là pour ça en fait. Je danse pas dans le but de me faire une petite amie, et elles n'assistent pas au show pour rencontrer quelqu'un.

Je fini par lâcher ton regard pour le poser sur la route devant nous, observant les immeubles et les rues défiler avant de trouver quoi dire pour continuer et répondre à ta question. Est-ce vraiment le moment de te dire qui je suis, ce que je fais là, quel est mon rôle ? Si Cambria et Trinidad étaient là, elles me diraient sûrement oui, mais je n'en suis pas encore convaincu. Et je sens que tu ne l'es pas non plus. Je finis par te regarder de nouveau, après avoir retrouvé mon sourire.

-J'ai pas le droit de passer du temps avec toi ? Et saches que tu n'es pas la seule personne que je vois ! J'ai d'autres amis aussi, mes collègues notamment, et je connais Trinidad, tu sais. On se retrouve parfois pour danser la zumba.

J'évite volontairement de parler de Cambria, ne sachant pas trop comment te la présenter. Est-ce que j'ai le droit de dire le mot "Daemon" ? Est-ce que Trinidad t'a déjà parlé d'elle ? Peut-être ai-je tout simplement peur moi-même de ce mot, cette connotation, ce fait. Parce que je redoute ta réaction. J'ai peur de te perdre. La soirée a si bien commencé. Je ne veux pas qu'elle se termine maintenant.

Alors là...

J'avoue que j'étais un peu stupéfaite par la réponse de Hades... Il n'allait danser que pour danser ? Par pour repérer d'éventuelles minettes qui seraient plus que ravies de partager un moment avec lui voire plus ? C'était vraiment bizarre de la part d'un mec aussi canon que lui, alors que tous les autres y voyaient un avantage certain en matière de conquêtes. Je regardais mon ami d'un œil étonné, ne sachant pas quoi dire... Puis je finis par hausser les épaules. À dire vrai, ça ne me regardait pas tant que ça, c'était sa vie privée.

- Aller ! Peut-être pas toutes, mais la plupart des filles qui vont en boîte y sont pour faire des rencontres. Ça n'est jamais purement professionnel, tu ne me feras pas gober ça !

Je finis par en rire, tout en me demandant pourquoi j'insistais, alors que dans ma tête, j'avais décidé de passer à autre chose... Je devais débloquer grave, et mes pensées faisaient n'importe quoi, ça devait être le résultat de cette journée noyée dans les papiers... Ouais... C'était une raison comme une autre, hein ?

Et là, boum ! Hades me fait quasiment une réprimande, comme si ce que j'avais dit était totalement aberrant... Ce qui n'était pas faux d'ailleurs. Mais qui étais-je pour lui dire ça ? Bien sûr qu'il avait une vie en dehors de moi, et qu'on était pas sans arrêt collés comme des siamois ! Mais j'allais pas bien ou quoi ?! C'était vraiment débile de ma part d'oser dire des trucs pareils... Mais je sais pas... Avais-je besoin d'être rassurée ? Et pourquoi voulais-je l'être ? Autant de questions que je n'avais pas envie d'affronter...

Parce que je risquais gros... Trop gros... Je ne pouvais simplement pas l'admettre...

- Tu ne m'avais pas dit que tu connaissais Trini !! Depuis quand ? Et pourquoi tu me l'as caché ??

Je changeais volontairement de sujet pour ne pas m'embourber dans des choses que je n'ai pas envie de voir. La politique de l'autruche ? Bien que je n'aimais pas ce procédé, je l'utilisais vraiment de manière instinctive quand ça concernait Hades... Et ne me demandez surtout pas pourquoi...

- Ha, on est arrivé ! Merci !

Payant le chauffeur, je sortis du taxi en attendant mon ami, pour lui offrir le repas que je lui ai promis ce soir.

Tes pensées s'embrouillent et se dispatchent de plus en plus, de sorte qu'il m'est difficile de les capter pour les lire et les retranscrire. Tu es troublée par les révélations que je te fais, mais je ne sais pas pourquoi. Toi-même tu l'ignores, comment pourrais-je le savoir alors ? Je secoue la tête négativement, insistant sur le fait que non, je ne drague pas en boîte, ni sur mes heures de travail, ni quand je vais me trémousser sur les planches juste pour le plaisir. J'ai trouvé dans la danse ce qui m'épanouit subtilement quand je ne suis pas avec toi. Accepterais-tu un jour de venir danser avec moi ?

Je te sens surprise et gênée de m'avoir posé toutes ces questions qui, si ça n'avait pas été toi, auraient dû être mal interprétées. Mais c'est toi. Et moi. Je ne t'en veux pas, et je trouve ça même touchant, presque amusant. Je trouve alors mon sourire, amusé de ton embarras à ignorer tes sentiments, à ne pas comprendre ce qui t'arrive quand tu es en ma compagnie. Lentement, tu évolues, tu grandis, tu me remarques et tu m'accordes un peu plus de place dans ton équation complexe, et rien ne saurait me rendre plus heureux.

-Je ne voulais pas te le cacher, c'est juste que je n'y avais pas pensé jusqu'à ce que tu m'apprennes qu'elle est ta soeur. Et puis après, les choses se sont un peu bousculées. Excuse-moi. Je la connais depuis... pas très longtemps. Peu importe. En fait, peu de temps après que je t'ai rencontré, j'ai fais la connaissance d'un Daemon et il se trouve que c'est celui de Trinidad. Cambria est devenue une amie et Trinidad par extension. On danse ensemble parfois, elle m'apprend la zumba.

Le taxi s'arrête et tu te penches pour lui donner la monnaie en le remerciant, alors que je me rends compte t'avoir parlé de Cambria et de Daemon sans le vouloir, emporté par la conversation. M'extirpant du taxi, je t'attends sur le trottoir, guettant ta réaction avec appréhension. On n'a jamais vraiment eu l'occasion de parler de ces histoires de Daemon, et je ne sais pas vraiment comment tu vois la chose. Il serait peut-être bon de commencer par là. Mais je reste là, les mains dans les poches de mon jean, à te regarder, admirant la lumière qui émane de toi, malgré la fatigue et la lassitude, l'angoisse et l'incertitude. En cet instant, je n'ai qu'une idée en tête : te prendre dans mes bras et te serrer fort contre moi.

Le taxi s'éloigne et nous laisse seuls sur le trottoir devant le Red Dragoon, immobiles pendant quelques secondes. Je sors une main de ma poche et la passe derrière ta nuque pour approcher ton visage du mien, et y déposer un baiser sur ton front dégagé, puis je te souris en t'emmenant vers l'entrée du restaurant, le coeur battant.

Pendant une infime seconde, mon cœur se mit à battre comme un dératé...

Hades m'avait attrapée par le cou pour embrasser mon front... Et je n'ai absolument rien compris...

Parce que sa main dans mon cou, ses lèvres sur mon front dégagé, son corps qui s'était légèrement approché du mien... Pendant cette infime seconde avant de basculer dans l'incompréhension, j'avais désiré autre chose, que sa bouche descende plus bas et effleure la mienne... Quel était le goût de ses lèvres ? Je savais déjà qu'elles étaient douces mais leur saveur m'était inconnue...

Avant de me traiter mentalement d'imbécile ! Parce que c'était mon meilleur ami et que pour rien au monde, je ne souhaitais briser notre amitié. Parce que je savais que si nous brisions cette ligne entre nous, nous ne pourrons jamais revenir en arrière, et si notre... Couple (oui, c'était difficile à dire) échouait, je perdrai l'être le plus proche de moi. Et je ne pouvais pas vivre sans lui, j'avais besoin d'Hades dans ma vie, même si je n'osais pas me l'avouer.

Alors après cette seconde qui parut une éternité, je finis par faire abstraction rapidement de tout ça pour sourire à mon ami avant de le suivre, alors qu'il m'entrainait par la main. Nous entrâmes dans le resto et nous installâmes à une table qu'une serveuse nous indiqua. Et une fois assise, c'est à cet instant que les bribes de notre conversation me revinrent... Je devais vraiment avoir un problème pour être aussi distraite ce soir !

Hades me parle de Trini, et de Cambria... Je ne sais pas qui est cette femme mais aux dires de mon ami, il s'agirait du daemon de ma demi-sœur... Oh ! Je connais l'existence des daemons, mais je n'aurais jamais pensé en avoir un, un jour. Non pas que je méprise ces individus, au contraire, ils n'ont pour leur part rien demandé et naissent comme ça, quand une personne éprouve une émotion très forte... Du moins, c'est ce que j'ai compris en gros. Mais je n'aurais jamais pensé qu'un jour ça m'arriverait.

- Tu as connu Trini via Cambria qui est son daemon ? Mais je veux dire, comment tu as su ? Parce que je sais que les daemons sont discrets parce qu'ils ne sont pas aimés de tout le monde, mais... Pourquoi Cambria t'aurait-elle dit qu'elle est un daemon ?

Peut-être que j'étais stupide, ou bien naïve, ou bien les deux... Mais pas une seule seconde, il ne me viendrait à l'esprit cette éventualité qu'Hades puisse en être un...

Il me faut toute la volonté du monde pour ne pas succomber à l'appel que lancent tes pensées quand mes lèvres préfèrent se poser sur ton front. Ta main dans la mienne, nous entrons dans le restaurant et la serveuse nous emmène vers une table libre. Je lis dans son regard. Elle croit qu'on est en couple, et je ne fais rien pour démentir cela. Je n'en ai pas envie en cet instant et lui sourit, alors qu'elle nous tend les menus. Puis elle s'éloigne, nous laissant seuls à notre discussion, notre moment de complicité. Ton trouble est tellement visible, que ça m'empêcherait presque de penser. Mais je commence à avoir l'habitude malgré tout et ne laisse rien paraître. Tu sembles enfin te souvenir de la conversation qu'on avait dans le taxi et tu deviens soupçonneuse quant à ma relation avec ta soeur et son Daemon. Perdu dans la contemplation du menu qui ne me dit rien du tout pour une fois, je tente de gagner du temps pour trouver une réponse appropriée. J'ai remarqué que les autres Daemons préfèrent cacher le plus souvent leur vraie nature. Mais pas moi. Tu dois bien être la seule à ne pas savoir ce que je suis réellement et cela me met mal à l'aise. Pourquoi ne puis-je pas te l'avouer tout simplement ? Qu'est-ce que cela changerait ? Tu serais toujours là, et moi aussi !

Mais peut-être que tu ne me verrais plus comme ton meilleur ami. Peut-être que tu ne me voudrais plus dans ta vie. Les paroles de Trinidad et Cambria résonnent dans ma tête, et me poussent à me jeter à l'eau. Mais je n'y parviens pas.

Je lève le nez du carton pour le poser à côté de ma main. Puis je te regarde, à la recherche d'une réponse appropriée.

-Cambria travaille dans une boutique de fleurs. Celles que je t'offre régulièrement viennent de chez elle. J'ai eu besoin d'elle à un moment et elle était là. De fil en aiguille on est devenu amis. Et elle m'a avoué sa vraie nature, parce qu'on ne cache rien à ses amis, n'est-ce pas ?

C'était un demi mensonge mais j'en avais déjà honte. C'était moi qui parlait de ne rien cacher à ses amis, alors que j'étais incapable de te dire que j'étais un Daemon, et le tien, plus particulièrement. La serveuse arriva à ce moment-là, comme pour m'éviter de m'embourber dans mes demies révélations, et des mensonges mal à l'aise. Je lui donne ma commande et te laisse donner la tienne. J'en profite pour boire un peu d'eau fraîche qu'on nous a apporté, t'ayant servi avant, d'une main tremblante. La serveuse repartie, je repose mon verre.

-Ça te fait pas bizarre de savoir que ta soeur à un Daemon, une personne qui sera toujours là pour elle, quoi qu'il arrive et qui l'aimera, peu importe la situation ?

Qu'est-ce qui me prenait de poser encore des questions à ce sujet, alors que je risque de me faire griller à tout moment ???

C'était moi ou l'ambiance me semblait terriblement bizarre ce soir ?

J'avais un peu de mal à faire face à tout ça, pour la simple et bonne raison que c'était vraiment trop louche ! Ce n'était pourtant pas la première fois que nous sortions tous les deux entre amis, alors pourquoi je me sentais si gênée ? Peut-être parce que l'espace d'une demi-seconde, j'avais voulu que ce soit plus... Ç'avait mis un coup de pied dans ma boîte secrète de choses inavouables...

Mais bon, je n'étais plus une petite fille, j'étais une adulte, bon sang ! J'étais plus responsable et ne prenais pas de décision à la légère. Je n'avais plus le droit d'être en proie à un caprice qui, je le sais pertinemment, me conduirait à ma perte. Alors pourquoi je n'arrivais pas à reprendre le dessus ?

M'absorbant dans la carte de notre restaurant favori, heureusement que je la connaissais par cœur parce que j'aurais été incapable de lire une ligne de plus alors que les mots n'avaient plus aucun sens devant mes yeux. J'étais atteinte d'une maladie incurable ce soir qui s'appelait la grosse bêtise. Non mais j'étais paumée ou quoi ??

Heureusement, Hades continua de parler, ce qui me permit de me soustraire à mes pensées idiotes, dignes d'une jeune fleur bleue tout ce qu'il y a de plus dégoûtant.

- Alors ça fait longtemps que tu connais Cambria ? J'avoue que maintenant que tu en parles, j'aimerai bien la rencontrer. Je n'ai jamais vu de daemon, et même si c'est un peu par curiosité, j'aimerai surtout connaître celui de ma demi-sœur.

C'était vrai. Savoir que Trini avait un daemon m'intriguait vachement. Surtout connaître les circonstances de la naissance de Cambria. Mais les questions suivantes d'Hades soulevèrent mes sourcils de surprise.

- Euh... J'avoue que je n'y ai jamais pensé. Je ne connais que très peu cette histoire et je ne sais pas comment je réagirai...

Maintenant que j'y pensais... Je n'avais aucune idée de la manière dont j'aurais réagi si jamais un daemon se pointait devant moi et me disait être une part de mon âme... Je trouverai ça sans doute bizarre, mais le reste... Je n'en savais pour ainsi dire rien du tout.

-Cambria est une fille super. Je suis sûr que tu l'adoreras.

Après tout, tu aimes ta soeur... il n'y a pas de raison que tu n'aimes pas son Daemon. Nous sommes une partie de vous. Il ne vous est pas possible, même dans les cas extrêmes de nous détester... si ? A moins de vous détester vous-même... j'ai beau ne pas être le plus récent des Daemons, je n'en sais finalement pas tellement à notre sujet. Nous ignorons d'où nous venons et pourquoi nous apparaissons. En tout cas, pour ma part, je suis bien content d'être là, avec toi...

-Les Daemons ne sont pas des êtres si différents des humains, tu sais... en fait, ils ne sont pas différents du tout. Mais d'après ce que j'ai compris, ils ne sont pas conçus et ne viennent pas au monde comme vous... comme nous.

Ça y est, la boulette était faite et je me sentais déjà rougir, terrifié à l'idée que tu pourrais deviner mon identité. Par chance, un serveur arrive avec nos commandes et pose nos plats devant nous. Après l'avoir remercié, je préfère me concentrer sur mon repas, plutôt que d'affronter ton regard, tes interrogations. Je me jette sur les feuilles de salades et en entoure un nem que je vais tremper dans le mini bol de sauce, avant de l'enfourner avec appétit. C'est fou ce que les émotions, ça creuse !

Et pour détendre l'atmosphère, je préfère changer encore de sujet.

-Au fait, ça fait un moment que je ne t'ai pas vu à la boîte. Tu devrais venir, avec la st valentin qui approche, il y a des soirées spéciales filles. Je peux te passer des entrées, si tu veux venir avec quelques amies.

Et voilà, parler de mon boulot, c'était plus dans mes cordes, et là au moins, ça ne risquait pas de déraper. Et puis lors des soirées filles... il n'y avait que des filles. Aucun risque de voir un mec te tourner autour, tel un chacal affamé.

Danser pour toi, c'était mon rêve...

- Et bien, il me tarde de la rencontrer maintenant !

Avec un grand sourire, je cachais à Hades le fait que je ressentais une légère jalousie très déplacée dans ces circonstances. Pourquoi cette émotion était-elle née là maintenant ? Moi-même, je n'en avais aucune idée et je ne voulais surtout pas avoir de réponse, m'efforçant avec une énergie et un soin extrêmes à l'effacer pronto de ma tête.

Non mais j'allais pas bien du tout aujourd'hui, c'était avéré. Il était temps pour moi d'arrêter d'essayer d'analyser chacune de mes émotions. Il était même plus que temps de redevenir moi-même et d'arrêter de me poser des questions dénuées de sens. Tout ce que je voulais à présent, c'était passer une bonne soirée en compagnie d'un de mes amis, ce n'était pas sorcier, si ?

Alors pourquoi ce blocage quand Hades fit une erreur de mot ? Hmmm... Non, je ne voulais vraiment pas savoir... Du moins, pas ce soir. Là, ça commençait à faire trop de choses entassées pour la soirée, alors je décidais de hausser les épaules légèrement et de ne pas relever. Si quelque chose devait être dit, ça le serait un autre jour !

- Tu sais que les boîtes n'ont jamais été ma tasse de thé. Je n'y vais que parce que tu m'invites, et franchement, une soirée entre filles m'intéresse moyen. Je préfèrerai une soirée à regarder des films devant une bonne pizza ! Si ça te tente un de ces quatre !

Sur ces bonnes paroles, je pris à mon tour une feuille de salade pour piquer une nem. J'adorais la nourriture asiatique. Puis de nouveau souriante, je finis par laisser l'ambiance de la soirée revenir à celle qu'on affrontait d'habitude : tranquille et joyeux, dépourvue de questions embarrassantes, et surtout une ambiance légère.